Configurations des relations humain-animal dans la littérature italienne

Selon certains chercheurs contemporains, le véritable « propre » de l’être humain serait avant tout d’exister par et dans ses relations – avec les autres êtres vivants, animés comme inanimés, mais aussi avec la technique ou avec son environnement au sens large (voir par exemple les travaux de Roberto Marchesini). Les relations avec les animaux non-humains, en particulier, auraient joué un rôle central dans la constitution de notre espèce et de nos cultures, que ce soit au travers d’échanges de services mutuels (on pense à la domestication des chiens ou des chats), d’instrumentalisation unilatérale (dans le cas des animaux de traits ou d’élevage), ou, à un niveau plus abstrait, au travers de l’observation des modes de vie animaux et de l’intégration de tout un vaste bestiaire au cœur de notre imaginaire. D’un autre côté, la relation, sur le plan ontologique, a longtemps été perçue comme relevant purement de l’opposition : toute la tradition humaniste a défini « l’homme » comme étant, par-dessus tout, l’être vivant qui se serait écarté de son origine naturelle et qui serait radicalement différent de (et supérieur à) tout le reste du vivant.

Un courant culturel au développement récent s’est emparé de toutes ces questions, approfondissant leurs implications dans de nombreux champs du savoir, qu’il s’agisse de l’histoire, de la philosophie ou encore de la littérature : les « études humain-animal » (en anglais Human-Animal Studies). En France, le courant appelé zoopoétique, porté par Anne Simon, s’intéresse à ces questions d’un point de vue éminemment littéraire, tout en prenant en compte les différents aspects de la relation humain-animal que nous avons mentionnés plus haut, et d’autres encore. Un aspect central de cette orientation critique consiste à privilégier l’analyse les animaux réels, de bêtes présentes dans la littérature “en chair et en os”, et à dépasser l’approche purement anthropomorphique et symbolique dominante dans une bonne partie de l’histoire littéraire, où les animaux ne sont que les figures d’un discours portant en réalité sur l’être humain.

Il n’existe pas actuellement de courant équivalent et aussi affirmé dans le domaine des études littéraires italiennes ; il serait donc intéressant de se demander dans quelle mesure et de quelles manières la littérature et la critique littéraire italiennes ont, jusqu’à présent, pris en charge ces mêmes questions. Ce numéro de la revue Écritures (Presses Universitaires de Nanterre) se propose par conséquent d’appliquer les réflexions et les méthodes du courant décrit ci-dessus au champ littéraire italien, avec l’objectif de contribuer ainsi au développement d’une zoopoétique proprement italienne. Les propositions d’articles pourront s’attacher à analyser des œuvres littéraires singulières, des courants ou des époques littéraires, ou bien proposer des réflexions plus théoriques sur la littérature et la critique littéraire en général. L’analyse sera soit entièrement concentrée sur l’Italie, soit comparatiste, mais devra dans le second cas rester focalisée sur les littératures italienne et française.

Un autre objectif de ce numéro est de pouvoir présenter un panel le plus varié possible non seulement en termes d’approches de la question des relations humain-animal, mais aussi en termes d’espèces et de familles animales représentées (il sera ainsi appréciable de recevoir des propositions de contributions portant sur les oiseaux, les insectes ou les poissons, pour ne citer que quelques catégories d’animaux sous-représentées dans la critique littéraire).

Les propositions incluront des réflexions sur l’une ou plusieurs des acceptions possibles de la notion de relation humain-animal, dont nous proposons ci-dessous une liste non exhaustive :

– rencontres et relations singulières entre individus d’espèces différentes ;

– domination et exploitation des animaux non-humains ;

– rébellions des animaux et/ou de la planète contre l’être humain ;

– relations « intérieures » : rejet/redécouverte de l’animalité dans l’être humain ;

– histoires de métamorphoses ou d’hybridations humain-animal ;

– ontologie relationnelle au niveau de l’individu comme de l’espèce, narrations posthumanistes ou posthumaines ;

– imaginaire de la parenté entre humains et animaux 

– questions d’intersectionnalité entre les luttes animalistes, féministes, post-coloniales, classistes, etc. 

Les propositions pourront être rédigées en français ou en italien. Elles ne dépasseront pas les 3000 caractères espaces comprises et devront être envoyées à hugo.semilly@gmail.com et amelie.aubertnoel@gmail.com, au plus tard le 15 octobre 2024. La réponse du comité de rédaction sera notifiée au plus tard le 15 novembre 2024.

Les articles seront attendus pour début avril 2025, en vue d’une publication fin 2025 ou début 2026. Ils ne dépasseront pas les 35000 caractères et seront rédigés en français ou en italien – mais ceux en italien pourraient faire l’objet d’une traduction en français.

Nous indiquons ci-dessous quelques références notables portant sur les différents aspects de la question au cœur de cet appel. Cette liste n’a aucun caractère contraignant et les contributeurs et contributrices sont invité.e.s à la compléter par leurs propres références théoriques et critiques de prédilection.

Bibliographie indicative

Haraway Donna, When Species Meet, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2008.

Ingold Tim (ed.), What is an Animal??, Londres, Routledge, 1994.

Marchesini Roberto, Eco-ontologia?: l’essere come relazione, Bologna, Apeiron, 2018.

Scaffai Niccolò, Letteratura e ecologia?: forme e temi di una relazione narrativa, Rome, Carocci Editore, 2017.

Simon Anne, Une bête entre les lignes?: essai de zoopoétique, Marseille, Wildproject, 2021.

Wolfe Cary, Animal Rites?: American Culture, the Discourse of Species, and Posthumanist Theory, Chicago, University of Chicago Press, 2003.

Zask Joëlle, Zoocities?: des animaux sauvages dans la ville, Paris, Premier Parallèle, 2024.