La littérature d’enfance et de jeunesse italienne en France au XIXe siècle
Edition, traduction, lecture de Mariella Colin. Presses Universitaires de Caen, Coll. Transalpina.
Les études rassemblées dans ce Cahier de Transalpina explorent les manières selon lesquelles s’est faite en France la réception d’œuvres italiennes pour la jeunesse (ou bien, d’œuvres italiennes qui ont été adaptées pour la jeunesse dans le contexte d’accueil) au xixe siècle.
Silvio Pellico, Alessandro Manzoni, Cesare Cantù, Edmondo De Amicis, Emilio Salgari et Carlo Collodi sont les auteurs qui ont connu le succès de librairie et de lecture le plus significatif, en termes de traductions et d’éditions. Les trois premiers sont des écrivains romantiques de la première moitié du xixe siècle, qui appartiennent aux courants catholiques du Risorgimento ; les trois derniers en revanche sont des représentants laïques de l’Italie libérale, devenue un État national. Pour reconstituer l’histoire de leur réception française, après les repérages bibliographiques préliminaires, le travail a été d’abord orienté vers la reconstitution du cadre historique (politique, social et culturel) des contextes de départ et d’arrivée ; ensuite la recherche s’est surtout développée sur le versant de la réception, en devenant attentive aux modalités concrètes de la diffusion de ces textes : les éditions, les traductions, la lecture.
Il est ainsi apparu que, dans notre pays, ces ouvrages ont connu parfois une destinée différente de celle qui avait été la leur dans le pays d’origine. Cela est vrai notamment pour Silvio Pellico et Alessandro Manzoni, dont les œuvres majeures (Mes Prisons pour Pellico, Les Fiancés pour Manzoni) n’avaient pas été écrites intentionnellement pour la jeunesse. Elles sont devenues telles en France, sous la monarchie d’Orléans et pendant le Second empire, lorsque les éditeurs catholiques militants les ont adaptées pour leurs lecteurs. La réception des textes de Cesare Cantù, Edmondo De Amicis, Emilio Salgari et Carlo Collodi, a été en revanche conforme à celle du contexte d’origine, où ils avaient bien été rédigés pour l’enfance et la jeunesse ; néanmoins ils ont été soumis à leur tour à des contraintes idéologiques et à des manipulations textuelles, en subissant des remaniements d’ordre divers, dans un but d’acculturation : linguistique et rhétorique, narratif (par modification de l’intrigue et des paradigmes des personnages), idéologique (par asservissement à une doctrine ou à un système d’idées qui n’était pas celui de l’auteur)
L’analyse de ces emprunts français faits à la littérature italienne démontre qu’au xixe siècle et parfois au-delà, l’histoire de sa réception, dans le domaine des lectures pour l’enfance et la jeunesse, a été paradoxale. Par leurs modalités de diffusion, ces textes, au lieu de faire connaître au public français l’originalité et la force propres d’une littérature étrangère, ont agi comme de puissants révélateurs des composantes politiques, sociales et idéologiques du pays d’accueil.
Presses universitaires de Caen